Juillet 2020

On l'avait prévenu que ça allait être dur, que son corps allait changer et que ça allait faire mal. On lui avait dit que la première transformation était la pire mais qu'avec le temps, cela devient moins pénible, surtout si elle prenait la potion régulièrement. Ce qu'on lui avait pas dit en revanche c'est qu'elle allait traverser un véritable enfer et que tout au long du processus, lent et douloureux, elle allait rester consciente et ressentir le moindre changement. Allongée dans l'herbe de la clairière où elle avait décidé de se cacher pour sa « première fois », la jeune femme était secouée de spasmes violents qui projetaient sa tête en arrière, venant faire frapper encore et encore sa caboche sur le sol dur et terreux. Puis une force invisible sembla plaquer ses mains sur ses joues pour lui tordre le cou et la forcer à regarder la pleine lune qui se dessinait, poudreuse derrière sa couche de nuages. Elle cessa de bouger pendant un instant puis, comme si un bras étranger tentait de passer à travers la peau de sa ventre, elle se plia en deux et hurla. Hurler comme seul exutoire à sa douleur, hurler à s'en péter les cordes vocales, hurler pour qu'on vienne la sauver. Mais personne ne viendrait, elle le savait. Pourtant elle continuait de pousser des cris, de plus en plus stridents, des appels dans la nuit qui ne trouvaient comme écho que le silence. Finalement, la bête en elle sembla se lasser de ce concert de cris d'agonie et de l'intérieur, Phélyx sentit une main, plutôt une patte, décharnée et aux griffes acérées commencer à l'étrangler et bien vite elle se tût, consciente qu'elle finirait par mourir étouffer par cette force qui tentait de sortir de son être.

Puis, toujours guidée par cette force impalpable, la jeune irlandaise se retrouva à quatre pattes, tête baissée, ses yeux fixant ses mains qui se transformaient lentement. Ses doigts semblèrent se rejoindre et rétrécir pour former une patte tandis que ses ongles s'allongèrent pour donner des griffes. Elle entendit des coutures craquer et elle comprit bien vite que c'était ses vêtements qui éclataient sous la pression de ses muscles qui doublaient de volume, de ses os qui bougeaient, grossissaient, craquaient sans qu'elle ne puisse jamais faire partager sa souffrance. Son dos se arqua tandis que sa peau menaçait de lâcher sous la pression qu'exerçait ses nouveaux muscles puissants. Enfin, la pression sur sa gorge se relâcha et elle pût hurler à la lune qu'elle avait mal mais le gémissement plaintif qui sortit n'avait plus rien d'humain. Elle n'était plus totalement elle mais pas encore entièrement une bête. Encore quelques minutes et ce serait bon. Il suffisait que sa mâchoire s'allonge, que ses dents deviennent plus pointures et plus longues, que ses oreilles se déplacent sur le haut de sa tête, que ses cheveux tombent et enfin elle pourrait oublier sa condition d'humaine et laisser la bête prendre le dessus.

Le réveil fut brutal et soudain. Alors qu'elle essayait de prendre une grande bouffée d'air, une odeur âcre et métallique la frappa de plein fouet et elle s'étouffa un moment avant de se relever pour voir la source de ce désagrément. Alors que ses paupières s'ouvraient péniblement, la vision d'horreur qui s'offrit à elle, la terrifiât instantanément. Juste à côté d'elle était allongé un homme. Du moins ce qu'il en restait. En réalité il ne restait de lui que du sang, énormément de sang, des entrailles et un visage figé de peur. Devant ce carnage, Phélyx hurla avant de hoqueter et de rendre son repas quelques mètres plus loin. Ses mains étaient recouvertes d'un mélange de terre et de sang, s'étendant jusqu'à ses coudes et elle était certaine que son visage devait être recouvert du même amalgame. Une mèche de cheveux glissa de derrière son oreille et elle put s'apercevoir qu'ils étaient collés par la crasse. Sans mêmes qu'elle s'en rende compte, elle s'était mise à pleurer de fatigue, de honte, de culpabilité. Elle tentait de se convaincre que ce n'était pas elle qui venait d'ôter la vie à un pauvre homme innocent, que c'était la bête et qu'elle était incontrôlable mais dans le fond elle savait bien qu'elle ne faisait que se mentir à elle-même. Tremblante et fragile, elle se retourna vers le cadavre qui traînait toujours là et se dirigea vers lui et d'une main très peu assurée elle referma les yeux de sa victime tout en continuant de pleurer, se retenant de vomir une nouvelle fois. Recouvert de terre, près de l'homme, Phélyx trouva un long manteau qu'elle enfila pour cacher sa nudité et retourner chez elle. Comment allait-elle affronter le regard de sa famille, celui de Peeter surtout ? Comment leur avouer qu'en plus d'être devenu un monstre, elle était à présent une meurtrière aussi ? Ses lèvres se pincèrent et elle décida de ne rien dire à personne.

Cela resterait leur secret, entre elle et la bête.