« Mr Fawkes, vous ne pouvez pas entrer, laissez nous faire notre travail! » Mais à travers la panique qui régnait dans la pièce, Paul Fawkes réussit quand même à se frailler un chemin jusqu'au chevet de la femme qu'il aimait et qu'il voyait agoniser sans qu'il ne puisse rien n'y faire. Soudain un moniteur se mit à biper, le corps de sa femme à convulser et la dernière chose dont Paul Fawkes se souvint était de s'être retrouvé dans la salle d'attente des urgences sans aucuns souvenirs de s'y être rendu par lui-même. La veille, il avait signalé la disparition de sa femme aux autorités, celle-ci n'était pas rentrée après son travail et ne répondait pas à son téléphone. Personne ne semblait l'avoir aperçu après qu'elle ait quitté l'école où elle enseignait l'histoire, jusqu'en cette fin d'après-midi où l'on avait retrouvé son corps gisant dans son propre sang dans Greenwich Park. Son mari s'était rué à son chevet mais le pronostique vital de sa femme était déjà engagé, les médecins ne parvenaient pas à la stabiliser et ils étaient surtout crédules devant les blessures dont elle souffrait. Jamais personne n'avait eu au cours de sa carrière à soigner de telles plaies et aucuns d'eux ne réussissaient à stopper les hémorragies dont était victime Eleanor Fawkes. Il fallut quelques minutes à Paul Fawkes pour comprendre les mots qui sortaient de la bouche des médecins qui avaient fait tout leur possible pour sauver l'amour de sa vie. Et quand enfin il comprit que sa femme était belle et bien morte, il se mit à penser qu'une épreuve bien plus difficile l'attendait, celle de l'annoncer à sa fille de dix ans, Lucretia Fawkes. Dans l'espoir de ne pas l'effrayer, il avait menti sur les raisons de l'absence de sa mère ces deux derniers jours, lui prétextant qu'elle s'était rendue chez sa grand-mère. Mais le mensonge ne pouvait plus durer et annoncer à une petite fille qu'elle venait de perdre sa mère semblait être une tache bien plus ardue à faire que l'on pourrait le penser.

✤

Deux jours plus tard, le 625 Foxcroft Street était noir de monde, tous étant venus saluer la mémoire de cet être aimée, formidable et généreux qu'était Elenaor Fawkes. Mais cachée au fond du jardin, derrière la grosse cabane à outils, là où personne ne pouvait la voir, se trouvait Lucretia, assise dans l'herbe, attendant avec impatience de pouvoir retrouver sa maison. La foule, elle n'aimait pas cela, et encore moins quand tout le monde venait pleurer sur son épaule et lui vanter les mérites de sa mère. Elle les détestait tous, elle les maudissait d'être venus déverser leurs larmes sous son toit, les bras chargés de nourriture infecte et de repartir quelques minutes plus tard, lorsqu'ils avaient atténués leurs chagrins et s'étaient donnés bonne conscience. Elle les détestait parce que Lucretia avait vite compris que la douleur qu'elle ressentait aujourd'hui, cette sensation d'abandon, ce trou dans son coeur avec lequel elle vivrait désormais resteraient intacts, peu importe le nombre de larmes qu'elle laisserait couler ou le nombre de crumbles qu'elle cuisinerait. Sa mère était morte, l'être le plus important à ses yeux, la femme qui lui avait donné naissance, qui l'avait bercé qui l'avait aimé plus que tout sur cette Terre lui avait été violemment arrachée des bras et l'injustice de cette histoire l'empêcherait de pouvoir trouver un jour la paix. Tous ceux qui s'évertuaient à lui dire qu'un jour la douleur s’atténuerait mentaient, elle le savait, jamais elle ne pourrait pardonner à Dieu ou a qui que ce soit de lui avoir volé sa mère.

La stupeur était totale et visible sur tous les visages qui étaient en train d'écouter attentivement le Premier ministre porter des allégations on ne peut plus rocambolesques sur une existence certaine de la magie et des sorciers vivants parmi nous. Cette annonce avait d'ailleurs fait sourire Lucretia qui avait du mal à croire que des êtres dotés de pouvoirs magiques aient pu exister et vivre durant des siècles parmi des humains dits normaux sans que personne ne s'en aperçoive. L'esprit pragmatique de la belle avait d'ailleurs très vite resurgit, promettant de croire à ces sottises le jours où elle en serait témoin de ses propres yeux. Interne en chirurgie, on lui avait appris depuis toujours à ne croire que ce que l'ont voit et à mettre de côtés les notions de miracles et de Dieu. Ce qui fut chose facile pour la belle brune qui avait tiré un trait sur toute forme de religion le jour où elle avait appris la mort de sa mère. Reprenant sa garde et amusée par la folie dont était surement atteint William Templesmith, elle se surpris même à croire en la véracité de ses mots et à l'utilité que pourrait avoir la magie dans le domaine médical. Cette annonce, bien que complètement absurde était sur toutes les lèvres et Lucretia fut surprise de constater que nombreux étaient ceux qui croyaient dur comme fer à toute cette histoire. La jeune interne n'eut néanmoins pas le temps d'y réfléchir plus longuement puisqu'elle devait se préparer à un dîner qui ne l'enchantait guère puisqu'elle allait devoir se retrouver en tête à tête avec son père, sa nouvelle pimbêche de femme et sa bizarrerie de demi-soeur. Il y a cinq ans de cela, Paul Fawkes avait décidé qu'il était temps pour lui de refaire sa vie, ce qui en sois ne posait pas vraiment de problème à Lucretia, ce qui la dérangea néanmoins ce fut de constater que son père avait décidé de se marier à la fille de joie/ivrogne d'Eaglesfield et de faire venir vivre en plus sous leur toit sa progéniture satanique. Totalement opposée à cette union, Lucretia avait tout fait, jusqu'au dernier moment, pour en dissuader son père qui n'en fit qu'à sa tête et qui passa la bague au doigt de cette femme qui, elle en était sûre, n'en n'avait après que son argent. C'est d'ailleurs pour cette raison que la belle brune vivait toujours chez son père, elle avait décidé de ne quitter cette maison que le jour où sa belle-mère et sa fille décideraient enfin de foutre le camps. Ce n'était donc pas dans les meilleurs conditions qu'avait commencé leur vie de famille recomposée et le temps n'y avait rien changé, Dany et Lucretia se détestaient et les disputes quotidiennes entre les deux jeunes filles rythmaient la vie de la famille, au grand damne de leurs parents.

C'était donc avec un dégoût non dissimulé que Lucretia vint s’asseoir à côté de Caldwell et qu'elle se mit à souffler pour annoncer qu'elle préférerait être pendue que de se retrouver là en leur compagnie. Mais elle commença très vite à oublier leur présence, absorbée par la conversation de la table voisine, qui semblait détenir des informations inédites en rapport avec l'annonce du premier ministre. Selon eux, la magie était belle et bien réelle puisque dans leur propre famille se trouvaient des sorciers, eux n'étant pas nés avec des pouvoirs magiques, faisant d'eux des crac-quelques choses et que douze ans plus tôt la magie avait été à deux doigts d'être découverte alors qu'une guerre sans merci faisait rage dans leur monde. Distraite par le serveur qui leur apportait leurs plats, Lucretia coupa la parole à Margaret qui était encore une fois en train d'assommer tout le monde avec une idée vide de sens. « Vous allumez la t.v de temps en temps, notre Premier ministre vient d'annoncer que la magie existait et que tout un tas de trolls et de bonnes fées se promenaient parmi nous et vous vous parlez de jardinage. » Mais personne ne sembla relever immédiatement la remarque de Lucretia, laissant un silence assez pesant s'installer. « Tu sais pas de quoi tu parles alors fait moi le plaisir de te taire pour une fois. » Caldwell semblait vexée, ce qui d'ordinaire n’intéressait pas le moins du monde Lucretia, mais qui cette fois l'intrigua. Pourquoi le fait d'évoquer cette histoire la mettait dans tous ses états, après tout, c'était bien la première fois qu'elle ne l'avait pas affubler elle du doux surnom de troll. « Les filles, ce n'est ni le moment ni l'endroit de parler de cela, alors finissez de manger dans la tranquillité, vous voulez bien. » Tout le monde à cette table semblait lui cacher quelques chose, Lucretia était prête à en mettre sa main à couper, mais personne ne semblait vouloir faire l'effort de la mettre dans la confidence. Agacée, elle se leva de table et pris la direction de la voiture. Si d'habitude elle ne prenait pas d'ordres de sa belle-mère, celui-ci était à ses yeux encore plus agaçants que les autres. S'ils avaient apparemment envie de discuter d'autre chose que l'annonce la plus étrange de toute l'histoire c'était leur problème, mais elle n'allait se priver de la commenter simplement parce que son ingénue de belle-mère et sa ratée de demi-soeur ne s'intéressaient qu'au débilité de ce monde. Très vite le reste de cette pseudo famille vint la rejoindre sur le parking et elle put lire une once de peur dans les yeux de son père. La dernière fois qu'elle l'avait vu avoir ce regard c'était le jour où il lui avait annoncé la mort de sa mère, ce qui ne présageait rien de bon. Un brin paranoïaque, on lui assura de lui dire ce qu'il se passait à la seule condition qu'elle monte dans la voiture pour parler. C'est donc à contre-coeur qu'elle fut contrainte d'obéir et c'est impatiente de voir sa curiosité satisfaite qu'elle ferma sa portière. Caldwell prit place à ses côtés, apparemment peu ravie par la situation.« La magie existe, ce n'est pas une invention sortie tout droit de la tête de Mr Templesmith. Je suis une sorcière, tout comme Daenerys en est une. » Stupéfaite et pour la première fois de sa vie sans voix, Lucretia observa sa belle-mère sortir de son sac à main une baguette en bois tout comme l'avait annoncé le Premier ministre. « Jusqu'à aujourd'hui nous avions ordre de ne jamais nous révéler aux moldus comme toi, mais il faut croire que les choses vont être différentes maintenant. Ton père était au courant, je lui ai tout révélé le jour de notre mariage, mais nous ne pouvions rien te dire. » Lucretia ne comprit pas tous les mots qui venaient de sortir de la bouche de Margaret mais sa stupeur laissa vite place à la panique. Son père lui avait caché la véritable nature de ces choses qui vivaient sous le même toit qu'elle depuis toutes ces années. Lucretia se souvint des paroles du premier ministre, ces êtres étaient dangereux et étaient à l'origine d'une guerre dont eux, êtres humains avaient été les victimes, une guerre qui s'étaient déroulée à en croire certains, douze années plus tôt, une date décisive dans la vie de la jeune femme. Attrapant la poignée de la portière et l'ouvrant, Lucretia sortit de la voiture sans dire un mot, essayant par elle-même de replacer les pièces du puzzle dans le bon ordre. Elle avait vécu pendant cinq ans sous le même toit que de dangereuses erreurs de la nature et la seule personne en qui elle avait une confiance aveugle le lui avait caché. Perdue, elle courut jusqu'à sa propre voiture et démarra en trombe.

Entrant dans la maison le journal à la main, Lucretia jeta au visage de sa demi-soeur la première page de celui-ci. « Tient ça parle d'erreur de la nature, ça devrait t'intéresser. » Ne prenant même pas le temps d'écouter la réplique de Caldwell, Lucretia alla s'enfermer dans sa chambre, à l'abris de regards indiscrets où elle put se réjouir de la mort d'un troisième sorcier sur le bûcher. Depuis qu'elle avait enfin découvert la vérité sur les véritables causes du décès de sa mère, sa peur pour la magie s'était transformée en une haine viscérale. Une haine qui n'avait apparemment pas échappé à la famille Moriatry qui, quelques semaines après les révélations du premier ministre, avait envoyé l’aînée du clan inviter la jeune interne à assister à une réunion secrète d'un groupe qui se faisait appeler l'Organisation et qui tout comme elle, semblait détester autant si ce n'est même plus les sorciers. Depuis Lucretia assistait à chacune des réunions et avait même réussis à intégrer un groupe auquel elle est fière de faire partie, celui des chasseurs de sorciers. Elle avait même su trouver en Steven Moriarty une figure paternelle qu'elle ne trouvait plus chez son propre père auquel elle ne faisait plus aucune confiance depuis le jour où elle a su qu'il lui avait menti sur la véritable nature des autres habitants de cette maison. Le dialogue n'était d'ailleurs plus aussi facile entre les deux qui s'étaient toujours très bien entendus, mais cette situation, qui ne dérangeait pas Lucretia semblait attrister son père. C'est d'ailleurs pour avoir une énième discutions sur le sujet que son père vint frapper à la porte de sa chambre, dans laquelle sa fille l'invita, persuadée qu'elle se débarrasserait plus vite de lui si elle l'écoutait maintenant. « Tu ne devrais pas parler de cette façon à ta demi-soeur, tu sais que c'est un être humain comme nous. » Si d'ordinaire Lucretia ne supportait pas que son père prenne la défense de cette saleté de Caldwell au lieu de la sienne, ce sentiment s'était décuplé depuis qu'elle savait que c'était une sorcière. « Ces êtres humains comme tu dis on tué maman, tu sais cette femme que tu aimais et qui m'a donné naissance. » C'est sur un ton condescendant que Lucretia répondit à son père, lassée de devoir se justifier auprès de la seule personne qui devrait normalement comprendre sa peine. « Ce n'est pas elles qui ont tué ta mère, tu le sais très bien, les personnes qui ont commis ce crime honteux et impardonnable sont surement en prison ou mortes. Et n'oublie pas qu'elles ont elles aussi perdu un être cher durant cette guerre. » Énervée, Lucretia se releva de la chaise sur laquelle elle était assise et poussa un rire forcé. « Jamais, tu m'entends, JAMAIS je ne pardonnerais à ces choses d'avoir tué maman. Je me fout de savoir qu'ils croupissent peut-être au fond d'une cellule, tant qu'ils vivront alors que moi je ne fait que survivre depuis treize ans, je continuerais à détester ces monstres qui ne devraient pas exister. Ils pratiquent la magie, ils se cachent parmi nous, ils tuent les personnes qui nous sont chères et je ne devrais rien dire sous prétexte que tu couches avec l'une d'entre eux ! Tu sais quoi papa, tant mieux pour toi si tu arrives à dormir sur tes deux oreilles la nuit, ce n'est pas mon cas. Maman a été torturée par ces erreurs de la nature infâmes et ça je ne l'oublierais JAMAIS. Maintenant excuse moi mais ma garde commence dans une heure. » La furie brune attrapa son sac à main et quitta la pièce sans même se retourner sur son père. La tolérance n'était pas son fort, il faut dire que ses seules expériences avec le monde magiques étaient la mort de sa mère et les Caldwell qu'elle ne portait pas dans son coeur. Peut-être était elle butée sur son idée que la magie était mauvaise et que tous les êtres qui la pratiquait n'était que des monstres sans coeurs assoiffés de sang, mais les faits ne trompaient pas, la magie était mauvaise, même ceux qui la pratiquaient le savaient puisqu'ils se cachaient depuis toujours. Mais maintenant que la vérité avait éclaté et que tout le monde était enfin libre de pouvoir se protéger et de ne plus subir les assauts de ceux qui se croyaient plus forts, Lucretia Fawkes était ravie et fière de compter parmi les rangs de l'Organisation et d'y contribuer à sa façon en tant que chasseuse de sorciers. Elle ne voyait en cela qu'un juste retour des choses et une chance toute trouvée pour pouvoir venger la mort de sa mère.