in the midnight hour

daenerys caldwell & jack sterling

« T'as intérêt à être un peu plus bavard la prochaine fois que t'appelles. » grommelai-je avec mauvaise humeur. Je détestais vraiment, mais vraiment, quand mon frère m'appelait depuis Stockholm. Je détestais le fait que la conversation, ponctuée de nombreux « tu me manques », tourne principalement autour de Théo et son foutu hockey. Je détestais le fait qu'une mer et quelques centaines de kilomètres nous séparent. Je détestais cette mauvaise liaison et ces coupures régulières. Et puis, par-dessus tout, je détestais le fait que lorsque j'aurais raccroché, il me faudrait attendre au moins un mois avant qu'il ne rappelle. Il bredouilla maladroitement que je lui manquais, mais qu'il devait y aller. Je lui répondis qu'à moi aussi, il me manquait, mais je n'eus pas le temps d'ajouter quoi que ce soit d'autre car la liaison fut rompue. Je soupirai et reposai violemment mon portable sur la table, les poings serrés. Je jetai la boîte vide de poulet tandoori qui m'avait fait office de dîner quelques heures plus tôt ; regardai par la fenêtre le soleil qui s'évanouissait, finissant sa course vers l'horizon et la lune qui commençait à apparaître. Seule consolation après un appel aussi déprimant, nous étions samedi soir. Or, comme la majorité des jeunes de quinze à vingt-cinq ans, je sortais ce samedi soir. Mais si la plupart des habitants de Greenwich ou de Londres allaient au cinéma, au restaurant ou encore en boîte de nuit, moi je comptais passer passer ma soirée dans le cimetière de Greenwich. Je rattrapai mon portable, pianotai rapidement dessus pour envoyer un message à Daenerys Caldwell. (…)

Il était l'heure idéale pour l'exploration d'un cimetière et rendez-vous avait été pris. Minuit précisément. Une nuit noire et chaude était tombée sur Greenwich, plongeant le Charlton Cemetery dans une inquiétante obscurité. Exactement l'ambiance limite morbide qu'on s'attendrait à trouver dans un cimetière. Sentant l'adrénaline pulser dans mes veines, je fis le tour de St Alfege Church pour rejoindre le cimetière situé juste derrière l'église, Daenerys sur mes talons. Elle avait volontiers accepté de me rejoindre dans cette folle aventure. À l'évidence, une telle exploration ne se faisait pas seule et nécessitait une partenaire – et quelle partenaire. Je posai ma main sur la poignée de la grande grille d'entrée du cimetière, poussai, mais la grille était verrouillée. Ce qui, au fond, était normal, vu l'heure avancée de la nuit. Toutefois il en fallait plus pour me décourager, j'étais plutôt du genre persévérante. Ni une ni deux, je grimpai sur la grille, l'escaladai de façon maladroite mais efficace puisqu'en quelques secondes à peine, je me retrouvai de l'autre côté. « Tu viens ? » lançai-je à Dany avec un sourire complice et époussetant mon short. En attendant qu'elle me rejoigne, je jetai un coup d'œil autour de moi. Si c'était la première fois que je m'aventurais dans ce cimetière en pleine nuit, il m'était déjà arrivée de m'y rendre en journée. En effet, c'était quelques allées plus loin sur la droite que mes deux parents étaient enterrés. Les quelques fois où je venais pour déposer des fleurs sur leur tombe, seule ou en compagnie de mon frère, l'émotion dominait. Mais à cette heure avancée, dans ces circonstances et avec Dany, c'était plutôt de l'excitation que je ressentais. « Tu crois qu'on peut croiser des fantômes ? Ou des morts-vivants ? » Du Jack tout craché. Voir des fantômes et des zombies, c'était aussi pour ça que m'était venue l'envie de visiter le Charlton Cemetery de nuit. En fait, je n'avais jamais vu de fantôme – pouvait-on seulement les voir ? Quant aux morts-vivants, je ne savais même pas s'ils existaient réellement ou non. Je savais encore moins s'ils étaient fréquentables ou non. Je levai le nez vers le ciel. Au-dessus du nous, c'était une lune pleine et brillante qui nous observait. « Ou peut-être des loups-garous... » Parce qu'après tout, les loups-garous avaient pour habitude de sortir à la pleine lune, non ? Je n'étais nullement impressionnée ni inquiétée par une potentielle rencontre avec un loup-garou. Folie, inconscience, appelez-ça comme vous voulez.